Visite de 4 églises du secteur de Brou
Depuis que l’association « églises ouvertes » en Eure-et-Loir existe, septembre rime avec sortie annuelle à la découverte des églises du diocèse. Fidèles à cette excellente tradition le 12 septembre nous sommes allés dans la région de Brou pour participer à un programme de visites, concocté par notre dévoué secrétaire Yves Rabourdin. À cette occasion, quatre églises ouvrirent leurs portes aux 55 participants : Moulhard, Unverre, Brou et Yèvres. Quatre édifices semblables mais cependant différents, chacun montrant des spécificités liées à son histoire.
Par exemple l’église de Moulhard, qui ouvrit notre périple, nous rappela qu’elle était le lieu d’un très ancien pèlerinage se déroulant le 1er mai autour des reliques de saint Marcou. Ce fut le moment de rappeler que ce saint normand né vers 490 à Bayeux, fondateur de l’abbaye de Nanteuil dans le Cotentin, se rendit – sur les conseils d’un ange qui lui apparut – auprès du roi Childebert, qui, à la vue des nombreuses guérisons qu’il opérait, lui accorda les fonds nécessaires à la construction d’un monastère.
Pour remercier le généreux monarque il pria Dieu pour qu’il accorde aux rois de France le pouvoir de guérir les écrouelles. Depuis lors, après avoir été sacrés à Reims, ils ne manquaient pas de venir se recueillir sur les restes de saint Marcou conservés dans l’église de Corbény dans le Laonnois, où ils avaient été transportés pour les soustraire au vandalisme des normands, pour le remercier d’avoir obtenu du Seigneur ce pouvoir de thaumaturge.
L’existence du pèlerinage très populaire qui se déroulait à Moulhard explique sans doute la richesse de l’exceptionnel arc triomphal à colonnettes torses et de l’imposant retable polychrome du XVIIe qui occupe tout le fond du chœur de l’église.
L’église d’Unverre, située à quelques lieux de là, présente, elle aussi, un mobilier d’une somptuosité inattendue à commencer par des fonts baptismaux d’une forme rare, dressés le long d‘un pilier à l’entrée de la nef, couverts d’un dais de bois sculpté supporté par deux anges et composés d’une réserve et d’une cuve baptismale superposées en bois peint en faux bronze.
Grande fut également la surprise de nos adhérents de découvrir le monumental baldaquin que certains appellent ciborium qui couvre le maître-autel et abrite quatre grandes statues représentant les évêques saint Ambroise, saint Blaise, saint Éloi et saint Martin. Ce dernier, patron de l’église, figure dans un groupe en bois sculpté placé sur le banc d’œuvre. Nous le retrouverons représenté parmi les cinq verrières de 1604 conservées dans les baies du bas-côté. Pour nous aider à apprécier toutes ces richesses nous eûmes la chance d’être guidés par madame Marie-Dominique Pinos, maire d’Unverre et par le dévoué gardien du lieu Monsieur Ligneau, qui n’a pas manqué d’attirer notre attention sur quelques objets intéressants que nous risquions de négliger.
Si les nourritures spirituelles sont délectables, les nourritures terrestres n’en sont pas pour autant méprisables, c’est la raison pour laquelle nous avons, vers 12h, dirigé nos pas vers la salle prêtée gracieusement par la commune de Brou pour partager notre fraternel repas. Monsieur le maire de Brou, Philippe Masson, nous fit l’amitié de venir nous accueillir en compagnie d’un de ses adjoints, Monsieur Pelletier, tout nouvel adhérent de notre association qui nous accompagna au long de nos visites.
Un fois restaurés et réconfortés par la chaude amitié qui présida à ce repas pris en commun, nous parcourions les quelques mètres qui nous séparaient de l’église Saint-Lubin. Édifice complexe et quelque peu composite reconstruit au début du XVIe, surmonté d’une tour restaurée en 1821 qui ne conserve qu’une œuvre classée mais de grande qualité : une toile datée de 1623 représentant la remise du Rosaire à saint Dominique et à sainte Catherine de Sienne entourés des mystères joyeux, douloureux et glorieux. Ce fut l’occasion de rappeler que ce type de représentation créée par le peintre italien Giovanni Battista Sassoferrato pour l’église dominicaine sainte Sabine de Rome, a été reproduit avec des variantes en de nombreux exemplaires pour rappeler l’efficacité de la dévotion au Rosaire lors de la victoire de Lépante remportée sur la flotte ottomane le 7 octobre 1571. L’on put découvrir au dos du banc d’œuvre la « tablette » toujours conservée autour de laquelle les paroissiens se réunissaient pour se prononcer sur les travaux à effectuer dans l’église.
Yves Rabourdin nous montra quelques vases sacrés qu’il sortit tout spécialement à notre intention afin de les offrir à notre admiration. Chacun put ensuite traduire l’inscription latine placée au-dessus de la porte ouvrant sur l’escalier aménagé dans le mur pour accéder à la chaire, qui reprend des termes de la 2e épître de Saint Paul à Timothée : « Prêche la Parole, insiste à temps et à contretemps explique, exhorte, reprends avec une entière patience et une doctrine solide ».
Avant de quitter les lieux notre attention fut appelée sur une remarquable statue en bois polychrome représentant saint Roch, due au sculpteur Charles Roscoet. Elle allait nous servir de fil rouge vers l’église Notre-Dame de Yèvres, objet de la visite suivante. En effet le sculpteur breton Charles Roscoet, venu s’installer dans la Perche Gouet à la suite de son mariage célébré à Alluyes en 1665, dota cette église de plusieurs chefs d’œuvre notamment les portes et la clôture des fonts baptismaux, le retable du bas-côté sud et surtout l’extraordinaire chaire à prêcher réalisée en 1683. Meubles tout à fait exogènes réalisés dans un style baroque breton, riches et très ouvragés, comme on peut en voir à Saint-Thégonnec, dont la chaire présente d’ailleurs des similitudes avec celle de Yèvres notamment par la présence aux angles de statues féminines figurant la foi, l’espérance, la charité et la prudence et son ange victorieux juché sur l’abat voix sonnant de la trompette.
Durant ces visites nous allions de surprise en surprise à un rythme allant crescendo avec, pour finir en apothéose, tout d’abord la sacristie édifiée en 1644, apparaissant dans son état d’origine avec ses armoires qui ont conservé jusqu’au tissu de gainage des portes et des tiroirs tissés en laine et lin posé en 1738 et toutes les serrures et targettes et enfin le chapier installé au revers du banc d’œuvre réalisé par Michel Chasles en 1771. Contrairement à beaucoup d’autres, il conserve de très nombreux ornements qui en font assurément le plus précieux vestiaire sacré du diocèse. Monsieur Lucas le gardien passionné du lieu s’est plu à nous montrer tous ces trésors en particulier de rares chasubles, dalmatiques, tuniques et des chapes du XVIIIe siècle qui ont survécu miraculeusement aux fureurs révolutionnaires. Comme le veut la tradition notre sortie automnale s’acheva dans l’action de grâce par le chant des vêpres présidées par le curé du lieu l’Abbé Abelson Pierre. Action de grâce pour cette belle journée de convivialité, d’amitié et de découvertes d’un patrimoine aux richesses insoupçonnées.
Charles JOBERT